mardi 18 mars 2008

Le bilan

Avant, quand je faisais le bilan de ces quelques années d'errance à but procréatif  (n'est elle pas d'une laideur absolument repoussante cette expression que je viens d'employer? beuark...), je me disais que pour la première fois de ma vie, j'allais, en cas d'échec - car les chances sont plutôt contre nous, même dans le meilleur des cas, faut-il le rappeler? -  donc disais-je avant d'être grossièrement interrompue par moi même à plusieurs reprises : en cas d'échec, j'allais faire face au premier véritable échec de toute ma vie. La plupart des échecs ne sont en réalités que des demi-échecs : il y a, très souvent, des leçons à tirer de nos expériences malheureuses. Mais dans ce cas, je ne voyais rien à tirer. L'échec et c'est tout. Un énorme investissement. Tout ça pour quoi? pour rien : R-I-E-N ; nada ; nothing ; des nèfles ; que dalle ; le zéro absolu, le néant total, le vide intersidéral, même pas le moindre petit atome d'enseignement positif. Je découvrais qu'il y avait, comme ça, dans la vie, des expériences qui n'amenaient rien d'autre que la destruction.
Mais de l'eau a passé sous les ponts. Quand on en est au stade où l'on envisage l'échec, on commence à raisonner autrement. Que fera-t-on de notre vie, si l'on en arrive là? Cette vie que l'on pensait toute tracée, et que l'on a construite autour de l'idée plus ou moins consciente qu'un jour on ne serait plus deux, mais certainement trois voire quatre de préférence prend tout à coup un tour inconnu. Pourra-t-on raisonnablement continuer de vivre de la même manière? Je me suis dit que ce n'était pas possible. Cette vie (boulot, loisirs, relations, réalisations) qui m'allait parfaitement en ayant l'arrière pensée de fonder une famille ne me convenait plus. 

Comment en effet imaginer que l'on continuera à voir les mêmes personnes, qui elles, ont une famille? Comment imaginer, dans le cas inverse, que l'on pourra vivre isolé pendant le restant de ses jours ? Comment faire pour ne pas vieillir comme ceux qui n'ont pas eu d'enfants? quand il m'arrive d'entendre parler de ces gens, je comprends que ce qu'ils sont devenus, je peux très bien, sans grand effort d'imagination, le devenir moi aussi : en retrait du monde, d'une certaine manière, et ayant appris à vivre avec une certaine tristesse, un manque ; quand j'entends parler de ces gens, quand je les croise, j'entends et je vois clairement le message : "je n'ai pas eu d'enfants, et je ne m'en suis jamais remis" ; message que le clan des parents est incapable de déchiffrer, signalons le au passage.  

Dans un autre ordre d'idée : comment continuer à se lever et à se pointer tous les jours à ce travail pendant encore trente ans, s'il n'y a pas, en arrière plan, la motivation de travailler à préparer l'avenir de mes enfants? Car mon boulot est plutôt du genre délicat, parfois fastidieux, et qui s'étale sur des échelles de temps qui font que  mes sources de satisfaction, au cours d'une année, se comptent sur les doigts de la main. Mais la perspective d'avoir une famille fait accepter bien des choses. 
Je pourrais continuer à disserter pendant des heures sur le sujet. Mais en abordant les thèmes des relations sociales, du boulot, de l'acceptation et de l'intégration du caractère définitif de la stérilité de l'union, je crois que ça donne déjà une petite idée de ce qui ne collerait pas en cas d'échec.
Alors? que faire dans ce cas? je me suis dit qu'il faudrait que je revoie ma vie, point par point. Vaste programme, non? Mais je ne vois pas d'autre solution. Et aussi, peut être le plus important, je me suis dit que j'allais me venger de la vie, qui ne me donnerait peut être pas ce que je désirais.  Et que par conséquent, toutes les expériences qui me seraient impossibles si j'avais des enfants, alors je me ferais un devoir de les vivre. Pour Monsieur. Et pour moi. Comme deux gros égoïstes. Na. 
Alors je me suis rendue compte qu'il y avait des choses auxquelles j'avais renoncé sous prétexte que je fonderai, peut être un jour, avec Monsieur, une famille ; avant je rêvais d'un boulot super motivant (pas grave si stressant, si trop d'heures). avant je rêvais de partir vivre pendant quelques temps à l'étranger (pas grave si pays lointain ou j'entrave que dalle à la langue) ; avant je rêvais de faire des voyages incroyables avec des treks de la mort qui tue ; je ne sais si ce sont ces dernières années qui ont eu raison de tout cela, ou si tous les futurs parents mettent en veille de manière inconsciente ce genre de projet pour se ménager une vie plus stable. Mais il me semble que ma vie actuelle est au rabais par rapport à ce qu'elle devrait être. Et le fait qu'il y ait ou non une famille à la clef ne change rien. Si demain tout s'arrêtait, que retiendrais je de ma vie? que j'ai été une petite employée modèle qui a bien fait son travail? que j'ai été bien gentille avec tout mon entourage? que j'ai bien fait le ménage pour bien tenir mon petit appartement bien propre (en plus sur ce point j'ai des compétences tout à fait discutables) ? que j'ai bien voté comme la république le demande, bien consommé comme la société de consommation le demande, bien donné comme la bonne vieille charité judéo-chrétienne le demande ? Mais non. tout cela, au final, c'est de la foutaise. Du remplissage. Du chronophage, en somme . Parce qu'une seule chose importe finalement : avoir des projets,des rêves, et les réaliser. Que le reste se fasse si c'est possible. C'est comme cela que cela devrait marcher. Mais c'est précisément l'inverse qui se passe.

Voilà ce que m'ont appris ces années pénibles : vivre comme si l'heure du bilan arrivait demain, et ne jamais revoir ses aspirations au rabais. Ne pas se laisser abattre par les petites mesquineries du destin. Et ça, c'est valable en cas de réussite ou d'échec. Surtout en cas d'échec.
Ma petite Pamela, si cela ne marche pas, fais moi le plaisir de relire ce post. Et si tu n'es pas d'accord, alors relis le encore. Jusqu'à ce que tout cela entre bien dans ta petite tête. 

Bon voilà. C'est fait. J'arrête d'emm*rder tout le monde avec mes états d'âmes et mes bonnes résolutions à la noix. 

4 commentaires:

Le Chat a dit…

Mais il est super intéressant ce billet... il te donne la réponse à notre plus grosse angoisse... et moi il me fait réfléchir...

Anonyme a dit…

Ma petite Princesse Petit Pois, à défaut de l'avoir rédigé toi-même, fais-moi le plaisir de relire ce post de Pamela en cas d'échec, et ce autant de fois que nécessaire...

Anonyme a dit…

Mais tu es moi ou quoi? Je n'ose même pas réfléchir à l'échec et je sais que la chute sera très brutale!

aaz a dit…

Oui, il faut aussi envisager la vie "sans" ... si on ose l'envisager.

Il y a des tas de chemins, me répète ma psy ... tant de chemins, inexplorés ; mais que c'est dur de trouver la carte ...

Biz

AAZ