dimanche 6 avril 2008

Point final

J'ai toujours eu du mal avec les introductions et les conclusions. Ce doit être un signe, car c'est bien connu, "Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément"... Etant donné que mes heures de sommeil depuis quelques jours se comptent sur les doigts d'une main, je peine un peu à rassembler mes pensées. Je vais donc faire un gros gros effort, et me lance derechef.

Je disais dans mon dernier post que l'on pouvait estimer que les carottes étaient cuites. Effectivement, elles sont cuites, et re-cuites : cette tentative là n'a pas marché. Comme les autres d'ailleurs. Au vu des résultats, et de ma réponse plutôt mitigée aux traitements, il est assez clair qu'une tentative supplémentaire n'apportera pas grand chose, et que l'ensemble du process est un échec. Que reste-t-il comme solutions ? adoption ? non, clair et définitif. Dans mon esprit pragmatique et assez peu enclin à la concession, un enfant, c'est le résultat d'une histoire, l'expression la plus matérielle qui puisse être de l'amour :  une opération d'arithmétique génétique, la possibilité qu'ont deux êtres condamnés à être distincts de n'en faire qu'un seul, avec une option sur l'éternité, non seulement pour le beau regard de celui que l'on aime, mais aussi pour notre histoire ; et puisque l'être aimé complète nos manques et nos faiblesses, c'est aussi l'espoir de voir ressortir le meilleur de nous deux.  J'imagine que c'est pour cela que beaucoup de parents reportent leurs espoirs inassouvis sur leurs enfants. Je n'aurais sans doute pas fait exception à la règle si j'avais eu la possibilité d'avoir des enfants. Enfin tout cela pour dire que l'adoption, si elle doit permettre de combler un manque, chez moi, ne comblerait probablement pas tout. Dont acte.

Voilà : donc notre vie sera avec nos enfants biologiques ou pas d'enfant du tout. Dans notre cas, cela sera pas d'enfant du tout. Bien que nous gardions, dans un coin de notre tête, l'espoir qu'un jour un bébé couette puisse venir au monde. Cela aussi, c'est humain : l'espoir. Même quand notre raison nous dit que tout est foutu, même si l'on sait pertinemment que les possibilités sont de un sur un million, il y a toujours cette petite voix qui dit : "on ne sait jamais...", même si aujourd'hui j'aimerais bien que cette petite voix se taise et me laisse en paix, enfin. Question de temps, je suppose.

Maintenant, comment vais je faire pour vivre avec cela pour le restant de ses jours ? ces dernières semaines, je me sentais légère, un poids était parti : j'étais persuadée (à tort) que cela marcherait. Elle est trop débile, cette Pamela, me direz vous : il y a un fait établi : les statistiques sont méchantes, car les taux de réussite pour les tentatives de rang élevé sont faibles. Jamais je n'aurais dû oublier cela. D'ailleurs, les probabilités, je baigne dedans toute la journée, alors j'aurais plutôt du être consciente de tout cela.  En fait j'en étais très consciente. Sauf que je me suis, confortablement, avec mon gros popotin dopé aux hormones, assise dessus pour les écraser. Parce que je me suis dit, et ce avec raison, cette fois ci, que c'était peut être la dernière fois qu'un espoir m'était offert. Et que l'espoir, c'est la perspective du bonheur. Et que la perspective du bonheur, c'est déjà le bonheur. Et que je l'ai saisi, ce bonheur, quoiqu'il en côute : ces dernières semaines, un poids était parti, et d'une certaine manière, j'étais heureuse, et je ne regrette rien, même si je le paie cher aujourd'hui.

Car maintenant, il va falloir redescendre sur terre. Se dire que tout est fini. Le poids sur l'estomac est revenu, et la boule dans la gorge aussi. Il fait gris, les jours sont moches et je déteste à peu près la totalité de l'humanité : les parents confits de bonheur stupide ; les enfants, dont le tort principal est d'être des enfants ; les femmes enceintes et leur ventre pointu qui me crève les yeux ; les jeunes pour qui tous les espoirs sont permis, contrairement à moi ; et les vieux pour faire bonne mesure, parce qu'ils ont été un jour des enfants, puis des jeunes plein d'espoir, et des parents benoîtement stupides, voire des grand-parents. Tout le monde y passe, il n'y aura pas d'exception. 
La suite des opérations à court terme consistera donc a essayer de ne pas haïr la terre entière. Faire taire la vilaine colère qui me fait une boule à l'estomac. Et puisque le traitement curatif n'ayant pas marché, essayer au moins d'appliquer un traitement symptomatique. J'envisage donc le grand nettoyage de printemps : 
-nettoyage du carnet d'adresse ; n'ont le droit d'y figurer que les très proches. Les autres sont sacrifiés sur l'autel  de ma tranquillité d'esprit et sont éliminés (je ne suis pas très fière de moi, ceci dit). Et n'y entreront que ceux qui éviteront de me gaver avec leurs histoires de progéniture ou de famille ; ça ne va pas faire lourd, je vous l'accorde. On dirait bien que socialement, nous sommes de plus en plus des "no life"
-vidange de la pharmacie de la maison : au revoir les utrogestan, gonadotrophine, menopur etc.  J'envisage de donner ces médicaments à qui les veut, potentiellement les couples tentant une FIV sans le filet financier de la sécurité sociale. Si quelqu'un connaît quelqu'un d'intéressé (en région parisienne, pour le ménopur, car il faut qu'il reste au réfrigérateur)... passé la semaine, tout part à la poubelle. 
-rangement définitif des paperasses de FIV en un endroit sur lequel je suis certaine de ne pas tomber avant une bonne vingtaine d'années
-réaménagement de la maison. La deuxième chambre ne sera pas une chambre d'enfant. 
-oublier, s'occuper : par exemple ce week end, en pensant à ces histoires de réaménagement, je me suis découvert une passion pour les magasins de bricolage. D'habitude, j'aime bien les magasin style bazar ou on trouve du bric à brac. Mais alors là, nécessité aidant, les catalogues de bricolage revêtent une stature biblique. D'ailleurs, je connais le site de Leroy-Merlin par coeur. Qui l'eut cru? Je pense que je n'ai pas fini de me découvrir des passions aussi  ridicules que temporaires, du moment qu'elles m'empêchent de penser...
-retrouver une forme humaine ; rentrer dans mes jeans à nouveau. avoir un visage potable, avec une coiffure qui n'ait pas l'air d'avoir été faite à la friteuse. 
-faire des tas de trucs que je n'aurais pas pu faire si cela avait marché (voyage, concerts, théâtre...)


Pour le plus long terme, c'est plus compliqué ; c'est possible de souhaiter la fête des mères à sa mère tous les ans en se disant à chaque fois que cette fête ne sera jamais la mienne, et de, malgré tout, ne ressentir aucune amertume? je suppose que oui.  Et je n'irai pas, tous les ans à cette date, m'acheter un petit cadeau pour me consoler. Non, ma petite Maman chérie, cette fête sera ta fête à toi et juste à toi. Si j'avais été mère, peut être aurais je été un peu moins ta fille ce jour là? Non, ce jour là, mais aussi tous les autres jours de l'année, je serai ta fille, et rien que ta fille. 
Et d'une manière plus générale : c'est possible d'être heureux avec un poids qu'on traîne comme un boulet toute sa vie?  Je suppose que oui. 
Seulement il va falloir y mettre un peu plus de détermination que le commun des mortels. Se creuser un peu plus la tête. J'aimerais aussi que mon passage sur cette terre ne soit pas trop inutile. Pour la plupart des gens, c'est simple : ils font des enfants, ce qui justifie d'une certaine manière leur existence. Pour moi, ils faudra encore que je me creuse un peu la cervelle. Enfin, là encore, je ne sais pas trop si j'ai envie de faire un truc utile de ma vie (rappelez vous : je déteste l'humanité dans son ensemble)

Pour conclure, je n'ai pas d'amertume sur l'inutilité de ces traitements. Je suis même plutôt heureuse d'avoir eu ma chance. J'ai joué. J'ai perdu. Mais au moins j'ai joué. L'important ce n'est pas que de gagner. C'est aussi de jouer. D'ailleurs, en y réfléchissant bien, l'important c'est de jouer. Je ne sais plus trop qui a écrit cela : les femmes accouchent sur des tombes. Tôt ou tard, on finit donc par perdre. Notre histoire, quoiqu'il arrive, finit par se perdre et se noyer dans le flot du brassage humain. A la fin, que reste t il de nous : un gène, ou l'écho d'une présence, c'est pareil. Alors jouons, puisque nous n'avons que cela.

Enfin, je crois que ce blog touche à sa fin. J'ai été contente de le faire, je crois qu'il a rempli ses fonctions au delà même de mes espérances. Sa vocation première était informative, et je pense que mes proches ont bien pu suivre ce qui se passait chez Monsieur et Madame Pamela en temps réel sans avoir à appeler en se demandant sur quelle humeur on va tomber ou attendre un appel qui ne vient que si l'humeur s'y prête, justement. 
Ensuite j'ai découvert les commentaires et aventures  des bloggeuses-fivettes de la planète internet(merci tout plein). C'est intéressant de voir les points de vue des autres, de se situer ; nous n'avons pas tant de point de référence que cela. Et les forum ne m'ont jamais apporté grand chose, en fait. d'une part cela ne correspond pas vraiment à mon mode d'expression, et d'autre part le rang des traitements augmentant, les forums avaient plutôt tendance à me saper le moral en me montrant à quel point j'étais de la loose. Ainsi donc, j'envisage de laisser ce blog en l'état, je ne posterai plus. Cependant, je continuerai à suivre les aventures des unes et des autres sur leurs blogs respectifs, pendant au moins quelques temps en tout cas.
Et puis, la troisième utilité de ce blog était tout bêtement de fournir un témoignage. J'espère que cela sera utile, d'une manière ou d'une autre. J'aurais préféré une happy end. Mais non. C'est ainsi. C'est la vie. Et la vie est injuste.

Mais je ne la laisserai pas faire, la vie. Je serai heureuse. Non parce que j'ai tout pour être heureuse. Mais parce que je l'ai décidé. Et que tel est mon bon plaisir.

Point final.

vendredi 4 avril 2008

Résultat

Bon : résumé de la journée : Prise de sang ce matin. Résultat ce soir : c'est négatif.
Voilà. Cette fois ci on peut raisonnablement estimer que les carottes sont cuites. 
Néanmoins, comme j'ai une nouvelle prise de sang lundi pour éliminer tout risque de faux négatif, eh bien je continue les hormones.  Evidemment, ma partie raisonnable sait que c'est foutu à 99,9%. Mais le reste de moi s'accroche  à la perspective d'une erreur, d'un faux négatif, mais non ce n'est pas possible, ça ne peut pas m'arriver à moi. J'en ai trop marre de tout ce bonheur, n'en jetez plus.